Au large de la Somalie vivent des créatures dangereuses, des pirates. Loin de la vision romantique que nous, occidentaux pouvons en avoir, ils pillent, rançonnent et tuent les pêcheurs et les marins au cours de raids expéditifs. L’histoire de Mostafé commence ainsi. Seul survivant d’un abordage, il se retrouve parmi l’équipage de pirates de Samatar, bandit redouté, partenaire du non moins craint Aakalon. Il découvre alors une vie chaotique faite de prise d’otages et de complots, et se retrouve au centre d’une machination politique véreuse qui le conduira dans un institut de Mogadiscio et le poussera finalement à s’enfuir pour sauver sa vie…
Ce récit narré de main de maître par Tristan Koëgel est on ne peut plus percutant. Empruntant la voix de son personnage, l’auteur nous conduit à observer le monde de Mostafé, alias le grillon, à travers sa vision mi-naïve mi-hallucinée.
Les personnages qu’il rencontre, Samarta le chef taciturne et paternaliste, Aakhalon, ignoble traitre sanguinaire, Zainab et sa fille Aliya, Monsieur Arsène, professeur à l’institut, sont issus d’une réalité affreuse où les hommes et leur déchéance broient implacablement les velléités de survie de Mostafé.
Le style de l’auteur réussit à traduire la folie qui traverse l’esprit de l’enfant et qui paradoxalement, lui permet de ne pas sombrer. Plus aucun repère ne le guide dans ces ruines matérielles et morales qui font sont quotidien, et pourtant, accroché à une chimère, il parvient à s’échapper, mais pour combien de temps ?
Ce roman, qui n’est pas sans rappeler les récits graphiques de Stassen et Lapierre sur les enfants soldats du Rwanda, se lit d’une traite, se referme tout de même sur une note d’espoir mais laisse également un goût amer, comme celui de la réalité. À lire à partir de 15 ans.
Le Grillon : récit d’un enfant pirate, Tristant Koegel, aux Editions Didier Jeunesse.